The West Wing
Après avoir terminé le dernier épisode de la 7ème saison de The West Wing: une évidence s’impose: la série mérite bel et bien sa carte au sein du Big Four de la série américaine, aux côtés de Six Feet Under, de The Wire et des Sopranos. Pourtant, elle reste relativement méconnue des amateurs de série (pas des experts en revanche). Cela peut se concevoir: son sujet (la politique américaine) peut ne pas passionner tout le monde. Et c’est bien dommage. Car c’est se priver des dialogues brillantissimes et des personnages géniaux créés par Aaron Sorkin.
Je ne résiste pas au plaisir de citer les principaux – elles et eux que j’ai suivi passionnément pendant plusieurs mois, le temps de faire dérouler les 7 saisons. Il y a le président américain dont la série suit les deux mandats, Josiah Bartlet, d’une culture sans égale et d’une rectitude morale à (presque) toute épreuve ; il y a le taciturne, misanthrope mais génial Toby Ziegler, directeur de la communication de la Maison Blanche, l’expérimenté Leo McGarry, chef de cabinet du président, l’arrogant-mais-attachant et workaholic Josh Lyman, la pro jusqu’aux bout des ongles et féministe C.J. Cregg, porte-parole de la Maison Blanche, la pince sans rire Donna Moss…
Avec de tels personnages, ce n’est sans doute pas un hasard si parmi les épisodes les plus réussis, on trouve ceux qui se penchent plus particulièrement sur l’un d’entre eux. Je pense à celui où Josh affronte son stress post-traumatique avec l’aide d’un psychiatre, celui où C.J. rend visite à son père atteint d’Alzheimer ou celui où l’on évoqué le passé trouble du père de Toby, où encore celui où l’on revient sur la jeunesse de Bartlet et sa relation avec celle qui deviendra sa secrétaire (la géniale Kathryn Joosten, alias Ms McCluskey, dans Desperate Housewives). Il y a bien sûr quelques personnages un peu ratés – Will Bailey, Kate Harper – ou agaçants – Mandy (saison 1) ou Charlie, mais on n’atteint jamais le pouvoir d’exaspération comme devant un Gaius Baltar dans Battlestar Galactica par exemple. D’autres sont sous employés, telle Nancy McNally, chef de la NSA, incarnée par la fabuleuse Anna Devaere Smith.
Au delà des personnages, The West Wing c’est avant-tout une qualité d’écriture assez hors du commun. Chaque épisode est dense, va à parfois à 200 à l’heure (notamment lors des célèbres Walk and talk, ces plans-séquence où l’on suit un personnage qui déambule dans les couloirs et enchaîne plusieurs conversations) et nécessite un petit temps de digestion. La 5ème saison marque une petite rupture dans le style. Aaron Sorkin est parti. Le scénario quitte les hautes sphères pour se rapprocher un peu plus du commun des séries. Les envolées rhétoriques se font plus rares.
On est un peu moins soufflé mais cela tient sans doute aussi à la temporalité politique suivie par la série. Lors de son deuxième mandat, Bartlet est affaibli et son camp pense déjà à la suite, incarnée par le candidat Matthew Santos, quasi-double fictionnel d’un Représentant américain alors prometteur, un certain Barack Obama. Les saisons 6 et 7 se concentrent d’ailleurs beaucoup sur la campagne de ce dernier. On perd au passage l’alchimie du groupe Bartlet-McGarry-Cregg-Ziegler-Lyman-Moss et ce faisant une part importante de la dynamique globale, qui a du mal à se recréer ailleurs. Ceci étant, du West Wing un peu moins bon reste encore excellent. Enfin, lorsque la fiction se voit contrainte de rejoindre la réalité après la mort de John Spencer, l’acteur qui incarne Leo McGarry, on sait que la série arrive à son terme. Cette « communauté de la bannière étoilée » est définitivement dissoute.
On a ensuite tout le temps de méditer à cette belle bande d’idéalistes confrontés à la réalité souvent cruelle du pouvoir. Comment ceux qui « peuvent faire plus en journée que la plupart en une vie »- ainsi qu’il est souvent répété dans la série, parviennent à surmonter les nombreux obstacles de la politique pour être en mesure de réaliser au moins une petite part de ce pour quoi ils se battent. Comment ils et elles surmontent la déception d’avoir échoué à faire le reste en raison du jeu démocratique. Comment ils essaient de rester des être humains entretemps. Comment ils se relèvent après avoir chuté. Et comment en définitive celles et ceux qui veulent « changer la vie » peuvent manquer mille fois d’être broyés en chemin et qu’il faut essayer autant que possible de les admirer pour cela. Sinon, chacun à sa manière, de les imiter.