Jaj & The Family Hope: « Je suis autant inspiré par Kassav et Cabrel que par Aretha Franklin et Sigur Ros »
Jaj & The Family Hope vient de sortir sa toute première chanson, A l’ombre de moi-même, une belle balade mélancolique et intense, portée par un magnifique clip (voir en fin d’article). Elle figurera sur un EP, qui devrait sortir d’ici quelques mois.
J’ai eu envie qu’il me parle un peu de cette chanson et de lui. Interview.
« A l’ombre de moi-même » est la première chanson que tu sors. Pourquoi celle-ci?
A l’ombre de moi-même est une chanson très particulière pour moi, car c’est la première que j’ai écrite. Elle est née en 2011 dans le square René Viviani, à Saint-Michel, à Paris. Ce quartier était pour moi synonyme de la lutte intérieure que je vivais alors, puisque deux lieux aussi opposés qu’importants y cohabitaient. D’un côté, mon bureau de jour, qui tournait au cauchemar. De l’autre, le Caveau des oubliettes, symbole des jams, de la nuit, de la soul, de la chaleur humaine, bref, de la musique dont j’avais toujours rêvé, et dont je rêvais encore.
J’avais initialement décidé de faire d’A l’ombre de moi-même la troisième chanson de l’EP que je prépare actuellement. Et puis l’Univers (et le Covid ^^) en ont décidé autrement. J’ai donc décidé de commencer à exploiter les titres de l’EP à partir d’octobre et, logiquement, A l’ombre de moi-même s’est imposée.
Parce que c’est une chanson dont la mélancolie invoque les feuilles mortes et les bouts de laine, parce que le mois d’octobre nous invite à côtoyer nos morts, l’invisible, ce qui nous fait peur le reste du temps, bref, parce que c’est un joli mois pour se poser, réfléchir, (s’)éteindre et verser quelques larmes.
Le clip a une esthétique assez forte, on te voit notamment attaché par de grosses cordes… Peux-tu nous en parler?
Pour ce clip, j’ai eu la chance de travailler avec un superbe réalisateur, également originaire de la Martinique : Axel Lauhon. Nos folies respectives et profondément drama ont immédiatement connecté ^__^ J’ai donc laissé carte blanche à Axel sur la réalisation et la mise en scène. C’est ainsi que les « boud’ ficelles » du 2è couplet d’A l’ombre de moi-même se sont transformées en cordes ! Ce qui tombait bien, puisqu’Axel compte parmi ses amis un spécialiste du Shibari et du Kinbaku.
Ses cordes évoquent les jeux, nos liens, les chaînes mentales plus ou moins visibles qui nous relient à l’absurdité du monde. Elles racontent nos peines, nos volontés d’être différents, c’est à dire vraiment libres et acceptés, les entraves qui nous ralentissent dans cette démarche. Entraves parfois tellement intenses qu’elles semblent être comme une seconde peau.
Pour ceux qui ne te connaissent pas, comment décrirais-tu ton univers artistique?
Je dirais que j’ai les pieds très ancrés dans la culture qui fait mon identité de (plus trop) jeune antillais, français, métis, noir, gay, queer (même si c’est un mot que je découvre), résolument spirituel, sensible et engagé, avec la tête dans les nuages ^__^ J’ai peut-être passé un peu trop de temps dans des mondes virtuels ^__^
Ceci étant dit, avec le groupe, on décrit notre musique comme de la Pop Soul Caribéenne. L’idée est de mettre des émotions en musique et en vie, et de les partager avec le plus grand nombre. L’esthétique est évidemment groovy, parce que je suis afro-descendant, c’est à la fois ma culture et l’un de mes amours.
Ce métissage se ressent à la fois dans les langues chantées (français, créole, anglais) et dans l’esthétique de mes morceaux qui, au-delà de la base groovy, puise dans différents genres. Je suis autant inspiré par Kassav et Cabrel que par Aretha Franklin et Sigur Ros, par exemple. Et surtout, mon envie est de parler des émotions, de ce qui fait le sel de la vie, et de témoigner de mes propres affects, et du lien qui m’unit à eux. Comment, ensemble, on avance, on apprend à se connaître, on grandit, on s’éteint, puis on s’enflamme à nouveau.
Nos concerts live sont ainsi découpés en quatre temps, chacun étant propice à l’exploration d’un sentiment : Fall (le doute), Limbé-a (la tristesse), La Source (l’amour), et Home (la joie). On y arrive inquiets et lourds des questions qu’on porte en nous, on en repart, je l’espère, soulagé et un peu plus heureux. Ainsi s’opère la magie de la musique !
Voir le clip de « A l’ombre de moi-même« :
Photo de Une: XH