Downton Abbey
Comme série, il semble difficile de faire plus anglais que Downton Abbey. La thématique, le cast, l’écriture (je pense à l’humour, très présent dans les dialogues): l’ADN british est partout. Elle pousse même l’élégance jusqu’au fait de n’avoir que 7 ou 8 épisodes par saison : pas d’intrigue diluée à l’infini, pas (beaucoup) de fioritures pour remplir une vingtaine d’épisodes. Un bonheur.
Downton Abbey, c’est le magnifique manoir occupé par la famille du Comte Crawley. L’action se situe en 1912, au lendemain du naufrage du Titanic. Les deux héritiers du manoir et de la fortune qui va avec périssent dans le naufrage de l’Insubmersible. Le Comte n’a que des filles et légalement Dowton Abbey, et la fortune qui va avec, doivent obligatoirement revenir à un homme. Les cousins germains étant disparus, l’héritier se retrouve maintenant être un troisième cousin, inconnu au bataillon, Matthew Crawley. Ce dernier va donc débarquer au manoir avec sa mère à contre-coeur pour apprendre à connaître une famille réticente à laisser filer la demeure et l’argent à un inconnu. Voilà pour le Downton Abbey d’en haut.
En bas, vivent et travaillent les domestiques, dirigés par Mr Carson et Mrs Hugues. On suit leurs amours, leurs relations avec leurs patrons, leurs intrigues internes (Thomas et Miss O’Brien, délicieusement odieux et malfaisants) et tout particulièrement la relation contrariée entre Mr Bates, le valet et Anna, la femme de chambre.
La distribution est étincelante autant côté aristocrate que côté domestique. Avec une mention particulière toutefois pour une Maggie Smith fabuleuse en Comtesse douairière conservatrice. Les dialoguistes l’ont particulièrement gâtée. Ses répliques acerbes font mouche à tous les coups.Exemple: elle balance une vacherie la cousine Isobel, mère de Matthew Crawley. Celle-ci lui réplique « Venant de votre part, je le prends comme un compliment ». « Then I must have said it wrong » (« J’ai dû mal le dire, dans ce cas »), rétorque-t-elle.
On a l’impression que la McGonnagall d’Harry Potter joue toujours le même rôle, mais elle le fait tellement bien…
Au delà de l’intrigue, l’auteur de la série, Julian Fellowes dresse surtout la chronique d’un monde en pleine transformation. L’aristocratie voit son règne décliner, certains domestiques (ou certains aristocrates aussi, comme la plus jeune des filles, Sybil) ont des désirs d’émancipation… Et la première guerre mondiale qui passe par là accélère le processus. Pour le Comte Crawley, le dilemme est permanent: faut-il résister pour tenter de conserver ses valeurs ancestrales ou bien accompagner le mouvement? Un conflit interne qui n’est pas sans rappeler celui que connaît Tevye le laitier dans Un violon sur le toit, comme me le faisait remarquer un ami récemment. Même si pour Tevye, l’attachement à la « tradition » est plus viscérale, dans le sens où la seule chose qui vous rappelle qui vous êtes lorsqu’on vous enlève tout le reste – ce dont les juifs de l’Empire Russe sont coutumiers.
Au final, ce qui frappe sans doute le plus dans Downton Abbey, c’est la finesse avec laquelle tout cela est écrit. Les personnages sont justes, complexes ; les intrigues n’ont l’air de rien à première vue (qui aime qui, qui veut savonner la planche à qui, qui aimerait avoir quoi) mais se révèlent passionnantes, preuve s’il en est qu’il n’y a pas besoin de forcément sortir toute une panoplie de rebondissements spectaculaires pour faire avancer une histoire.
La troisième saison sera diffusée à partir de septembre prochain.