The Wire, saison 3: l’expérimentation du Major Colvin
Je viens de terminer l’extraordinaire troisième saison de The Wire. Ce qui m’a le plus marqué c’est bien évidemment l' »expérimentation » du major Colvin (à gauche sur la photo). Ce dernier, en fin de carrière, pressé par sa hiérarchie de faire baisser la criminalité dans son secteur, décide de jouer son va-tout. Il propose un marché aux dealeurs et autres trafiquants: soit ils « déménagent » dans trois périmètres qui leur ont été désignés et la police les laisse tranquilles, soit ils restent là où ils sont et la police leur mènera une guérilla bête et méchante. Les dealeurs acceptent et se crée la zone qu’ils appellent « Hamsterdam ». Conséquence immédiate: il fait à nouveau bon vivre dans les anciens coins de rue qu’ils occupaient. Du côté d’Hamsterdam, en revanche, c’est le chaos. Mais ce chaos s’organise petit à petit, grâce aux associations de réduction des risques drogues ou vih locales. Mieux, ces assoces se félicitent d’avoir leur population cible regroupée.
Bien sûr, trop audacieuse, l’expérience est vouée à l’échec. Lorsque le pot aux roses est découvert, Colvin est immédiatement mis à pied par sa hiérarchie et le nettoyage sur le point d’être ordonné. Sauf que le maire, qui n’est pourtant pas un enfant de chœur, hésite. Parce qu’il voit bien que ça marche. Les citoyens sont satisfaits. Ses effectifs peuvent à nouveau être utiles à leur quartier au lieu de passer leur temps à une guerre sans fin contre les trafiquants. Il y a d’ailleurs une scène assez géniale ou lors d’une réunion de quartier, une citoyenne interpelle un policier. Avant, dit-elle en substance, il y avait un policier identifié pour chaque secteur, qui prenant le temps de discuter avec les gens. Aujourd’hui, que des anonymes qui se contentent d’arrestations. Et la femme de se féliciter d’avoir à nouveau un interlocuteur. Mais le conservatisme ambiant, qui a tôt fait de déclarer que « la drogue a été légalisée », a raison de la volonté du maire. L’expérience est arrêtée et le major Colvin dégradé, voire exécuté, tant la scène où l’on met fin à ses fonctions fait écho à l’assassinat de l’un des truands (au moment fatidique, tous deux prononcent les mêmes mots: « Get on with it, motherfucker »). L’espace d’un instant, on s’est pris à rêver que l’espoir et le bon sens soient plus forts que la connerie. Mais non. Comment pourrait-il en être autrement, d’ailleurs? Car The Wire ne fait pas vraiment dans le happy end.
Il y a quelques semaines, le premier ministre de ce pays a rejeté les projets de salles de shoot présentés par sa ministre de la santé, au motif très argumenté qu’on devait lutter contre la drogue et non faciliter son usage. En dépit de tout bon sens. Parce qu’il est plus facile de flatter les bas instincts des gens que de se montrer un politique responsable. J’aime The Wire parce que c’est une série profondément contemporaine, qui ne cède jamais à la facilité. Suffisamment lucide pour être pessimiste et suffisamment sensible pour montrer que même dans le chaos du moment, les gens intelligents remportent (parfois) de petites victoires.