Nouvelle Star 2008, semaine IX ou « Ne change pas mes paroles »
Putain de chanson. On en vient parfois à regretter qu’il n’existe pas de délit en musique. Certes, comme Dolly Parton aime à le répéter, une chanson est une chanson, c’est tout, mais tout de même, changer les paroles de Ne me quitte pas ?
Les spectateurs attentifs de cette spéciale "Tenue de Soirée" auront remarqué que le "Je te ferai un domaine où l’amour sera roi / où l’amour sera loi / où tu seras reine" est devenu dans la bouche d’Amandine "Je te ferai un domaine où l’amour sera roi / où l’amour sera loi / où je serai tienne". En l’espèce, il s’agit sans doute d’une simple maladresse. Mais le procédé, courant, mérite que l’on s’y arrête quelques instants et que l’on pose deux ou trois questions.
– Les chansons ont-elles une orientation sexuelle ? Brel est un homme hétérosexuel. Dans sa chanson, il s’adresse manifestement à une femme. Cela en fait-il donc une chanson strictement hétéro ? Cela ne me semble pas choquant en soi, après tout, on peut sans doute trouver des chansons gay ou lesbiennes.
– Changer les paroles comme cela été fait ce soir suppose qu’un(e) interprète doit chanter des chansons en conformité avec son genre et son orientation sexuelle supposée (ou que le public est censé projeter sur lui/elle). Dans cette logique, une femme (hétéro par défaut) ne peut pas chanter une chanson d’amour qui s’adresse à une femme. Pourquoi ? On pourrait penser qu’elle est lesbienne ? Soupçonne-t-on le public d’être assez idiot pour demeurer aussi littéral dans son écoute ?
Sans même aller jusque là, il faut être bien sûr de soi pour s’autoriser à changer des paroles écrites par un parolier aussi génial que Brel.
Et est-ce un hasard si Amandine semblait avoir été un chouïa hétérosexualisée ? Elle n’était sans doute pas obligée de garder les étranges lunettes vertes aperçues dans les reportages (les mêmes que celles de Kristov la semaine dernière ?), mais tout ce maquillage… Allez, on accordera le bénéfice du doute à la prod.
Ce détail excepté, l’interprétation a légèrement patiné au début, et puis on a retrouvé l’Amandine des semaines précédentes le temps du dernier couplet, formidable de justesse. On a même pu penser furtivement à l’interprétation géniale de Dusty Springfield.
Jules et Kristov, eux, sont restés chacun dans leur style, respectivement avec Syracuse et Aline. Même topo pour Julien, toujours aussi maniéré sur Say it ain’t so de Murray Head. André Manoukian l’a bien relevé : "il faut que tu arrêtes avec ton attitude de martyr à la Saint-Sébastien". Saint-Dédé a été entendu au delà de ses espérances : Julien a été débarqué du navire en fin d’émission.
Ycare, de son côté, a hésité entre l’excentricité et le swing sur It’s oh so quiet, sans vraiment choisir entre les deux. Et puis il y avait ce problème de prononciation. Quand Björk a un meilleur accent anglais que vous, ce n’est pas bon signe.
Le "Raspoutine" de Baltard aurait sans doute été plus à l’aise sur du pur swing comme le I’ve got you under my skin de Cole Porter, chanté ce soir par Cédric. Ce dernier laisse décidément toujours aussi froid, à l’exception de Lio qui ne s’est pas gênée pour lui faire des avances ("Faites rire une femme et vous la mettez dans votre lit. Franchement, c’est quand tu veux, chéri").
Benjamin avait pour une fois trouvé chaussure à son pied, avec le Madame Rêve de Bashung. La chanson est un brin ennuyeuse mais le jeune parisien ne semblait pas jouer dans la mauvaise catégorie comme les semaines précédentes sur un répertoire plus soul.
Pour le reste des candidats, on a beaucoup pensé au Casseroles et Faussets de Juliette (sur Bijoux & Babioles). La faute à de mauvais retours ? Les prestations de Sian et Thomas – I will survive et Bitter Sweet Symphony – étaient carrément inécoutables. Quelques fausses notes également pour la Vie en Rose (bonbon) de Lucile, elle aussi maquillée comme un camion. Choix périlleux pour une jeune fille de 18 ans, comme n’a pas manqué de le souligner Lio (pour elle, l’interprétation jouait sur le côté gamine, infantile).
Émission relativement décevante donc et marquée pour la première fois par des échanges très vifs entre le jury (Manœuvre contre Manoukian). Mais on n’y pense déjà plus. Après la Nouvelle Star, M6 diffusait un documentaire sur Amy Winehouse. D’où cette lancinante question : à quand Amandine sur Back to Black ?
- Nouvelle Star 2008 : Les chroniques précédentes
- L’avis (très différent) d’une copine : Babybear.
« Soupçonne-t-on le public d’être assez idiot pour demeurer aussi littéral dans son écoute ? » Ca n’a rien d’idiot ni de littéral ; si une chanteuse chante une chanson d’amour dont les paroles s’adresses à une femme, alors ça fait d’elle une lesbienne, au moins sur le moment. Ou alors, on n’est plus dans l’interprétation mais dans le karaoké, et je n’ai pas regardé Nouvelle star récemment mais il ne me semble pas que ce soit le but.
Après, on peut dire que ça _devrait_ être anodin qu’une candidate-chanteuse interprète l’équivalent chanté d’une scène de baiser lesbien avec la langue. Mais c’est pas une grosse surprise que ce ne soit pas le cas 🙂
Oh. Mon. Dieu. S’adressent, pas s’adresses. (Et autres éventuelles fautes que je préfère ne pas voir donc j’arrête de relire et je ferme la fenêtre.)
Entièrement d’accord sur les changements de paroles. Sur des chansons aux paroles plus « légères », une petite modif sous forme de clin d’oeil peut être à la limite amusante, mais sur « Ne me quitte pas » je ne vois pas l’intérêt. Dans ce cas, il faut ré-écrire « Le Chanteur » à chaque fois que l’interprète ne s’appelle pas Henri, interdire « Je m’voyais déjà » à tous les parisiens (qui n’ont donc pas « quitté leur province »), etc etc. Un bon interprète doit se mettre au service de la chanson, quand c’est l’inverse et que la chanson est modifiée pour coller aux « particularités » de l’interprète, y’a faute de goût.
PS : Et puis Ycare a chanté « les filles en tombent à mes genoux » non ? … Alors bon. 😉
Quand Gainsbourg chantait Mon légionnaire, il était pédé? D’accord avec toi, ça m’a aussi gênée qu’Amandine change les paroles, ça n’avait pas de sens. Mais ça ne m’a pas empêchée d’être soufflée par son interprétation.
Je crois d’ailleurs de moins en moins au tirage au sort qui déciderait de l’ordre de passage des candidats. Il y a 2 ans, Christophe passait toujours en fin d’émission, idem l’an dernier pour Julien, et là hier soir c’était le tour d’Amandine de clore la soirée. Si elle avait chanté plus tôt, pas sûr que j’aurais regardé jusqu’à la fin. Marre de ces candidats qui ne chantent plus juste une fois arrivés à Baltard, marre aussi qu’ils perdent leur personnalité en cours de route. On s’ennuie, on se bouche les oreilles par moments et on peste devant l’injustice du jury qui clairement en veut à Sian, qui ne chante ni mieux ni plus mal que Jules ou Thomas. Heureusement que Manœuvre est là, même quand je ne suis pas d’accord avec lui il m’éclate!
« Quand Gainsbourg chantait Mon légionnaire, il était pédé? » Ben, oui. Mais il pouvait se le permettre, il était Gainsbourg.
Ce prime aura eu au moins le mérite de réveiller nos divergences. Ca bouge, ça s’engueule, même les chouchous ne font pas forcément l’unanimité : la nouvelle saison commence vraiment !
Moi, hier soir, Amandine (que par ailleurs j’aime bien) m’a fait penser à… Nicoletta.
C’est amusant parce que l’année dernière, cette même chanson était interprétée par une autre cryptolesbienne, Julie.
On dit ‘fille moderne’ (mais lio n’est pas encore au courant, Marianne James à pas du lui refiler le manuel)
Ceci dit j’ai vraiment l’impression que vous voyez le mal partout :op (et si meme moi je dit ça..)
Bref, j’ai encore raté l’emission (décidement) mais suis allée visionner Amandine sur le site de rattrapage de meuh6, et j’ai quand meme eu très peur au debut hein..
Je sais pas si c’est la surprise de l’entendre chanter en français .. ah bah non c’est con puisque j’avais trouvé super son Butterfly.. Alors c’est peut etre la stupeur de voir sa bouche évanouie suite à l’ignoble attentat d’un stagiaire maquilleur?
Je ne sais pas.. bref, ce début de chanson m’a mise un peu mal à l’aise.. j’ai été rassurée par son final ‘simple’, bien loin d’une ambiance pleurnicharde ou théâtrale que beaucoup auraient choisi. C’est pour ça que tu as pensé à Dusty n’est-ce pas ?
Oh ! mais je sais.. Ne me quitte pas chanté par fille en français et sans accent.. voila! c’est ça qui m’a perturbé !!! lol
Bon allez, fini la rigolade les enfants, bring back ze rockNroll(Nfolk)!
..oooh, she looks so goo-ood, oh, she looks so fii-ine and I got this craaazy feeling and then I’m gonna ah-ah make her mine..
Ah elle aurait été dans la merde Patti si elle avait du adapter les paroles! en voila un bel exemple pour ton debat Xavier:
Patti Smith, beyond gender
Excellent exemple Sofff. 🙂
Dylan aussi peut chanter sans complexe et sans que ça gène personne qu’il est une prostituée de maison close. Et il est crédible.
Alors, c’est vrai que j’ai du mal à comprendre ce besoin de changer les paroles.
Enfin, quand Marianne Faithfull change les genres dans Yesterday, ça ne me choque pas, la chanson est neutre de toute façon. L’esprit (si tant est qu’il y en ait un) est conservé même si la lettre est changée.
Mais quand les Animals transforment la prostituée en un voyou, la lettre et l’esprit partent.
Suffirait que les interprêtes et le public puissent admettre que le narrateur et l’interprète sont différents (m’enfin, y a qu’à lire les Mémoires d’Hadrien ou Thérèse Desqueyroux respectivement écrits par une femme et un homme).
Enfin, je trouve.
Tiens, l’année passée, y’avait pas un type qui chantait « Moi Lolita »?
Quelqu’un sait ce qu’il est devenu? 🙂
La différence, c’est que ‘Ne me quitte pas’ est une chanson qui s’interprète 🙂
Interpréter sans répéter ni tout péter, c’est peut-être aussi faire son taf de musicien, remanier sans se renier ni dénier. Récemment je suis tombé sur une reprise de Englishman in New York, et j’ai pas reproché à Tiken Jah Fakoly de chanter en français Africain à Paris. C’est parlant même chanté sur le même air, il y a comme un thème à partir duquel il est fortement conseillé de savoir varié, l’original restant fidèle à lui-même pour le restant de ses jours.