Rufusjudy
Voici le disque qui réconciliera les malheureux spectateurs  parisiens du concert Judy Garland de Rufus Wainwright. Rufus does Judy at Carnegie Hall est l’enregistrement du concert au Carnegie Hall, le lieu même où Judy Garland avait donné, 45 ans plus tôt, son célèbre concert.

L’ordre des chansons est scrupuleusement respecté, de même que les arrangements. Le principal point qui pourra faire débat est évidemment l’interprétation de Rufus. Même lorsque sa voix est en forme, celle-ci semble souvent étrange sur un répertoire comme celui-ci.  Il y a quelques interprétations particulièrement réussies, je pense à The man that got away ou If love were all. Son Over the rainbow est également très bien, mais sur le disque original Judy en a livré sa meilleure version (ce qui n’est pas peu dire), impossible à oublier quand on écoute toutes les autres. En revanche, il est moins convaincant dans des titres comme Do it again, qu’il prend dans sa tonalité originale (soit un peu trop haut pour lui).

La limite du projet tient sans doute à la personnalité de Rufus. Lui et Judy ne jouent pas dans la même catégorie – ceci étant dit sans idée de hiérarchie. Ce qui fait la force du concert original, c’est que la chanteuse semble mettre toutes ses forces dans la bataille. En 1961, elle se remet d’une hépatite qui aurait dû l’empêcher de remonter sur scène. Il y a clairement une dimension tragique dans son interprétation, renforcée par le destin qu’a connu ensuite la chanteuse. Le projet de Rufus est peut-être trop ouvertement camp pour s’approcher de la force émotionnelle que dégage le concert original. Et peut-être un peu jeune. 

Si l’on avait pu avoir le choix, on aurait préféré voir la fille de Garland, Liza Minnelli, reprendre toutes les chansons de sa mère. Elle seule aurait eu les épaules et le passé adéquats. Mais elle s’y est toujours refusée et a d’ailleurs fait savoir qu’elle n’approuvait pas le petit happening de Rufus Wainwright. L’autre fille de Judy, Lorna Luft, fait une apparition dans le show, sur After you’ve gone (et dans les rappels, qui ne figurent pas sur le cd). Son entrée est saisissante, tant il est clair qu’elle a hérité de la voix de sa mère. Mais là comme à Paris, il lui manque le génie de l’interprétation. Quelle lourdeur ! La soeur de Rufus, Martha Wainwright, en revanche, livre un très beau Stormy Weather. A noter aussi, la présence de leur mère, Kate McGarrigle, qui accompagne sa progéniture au piano sur Over the rainbow (l’introduction de la chanson donne lieu à un échange savoureux entre les deux).

Au final, malgré les défauts inhérents à ce type de projet, on ne peut qu’être admiratif. Il fallait du cran, une bonne dose de talent et un brin de folie pour le mener à terme. Mission accomplie. Quel est le prochain ?

ps : Le concert de Londres a été édité en DVD, sous le nom de Rufus ! Rufus ! Rufus ! does Judy ! Judy ! Judy ! Contrairement à l’édition CD, il contient les rappels où reviennet Lorna Luft, Kate McGarrigle et Martha.