Dents
Feriez-vous confiance à un hétérosexuel pour chroniquer, je ne sais pas, du… Bernadette Peters ou du Rufus Wainwright ? Oui, moi non plus. Dans ces conditions, on voudra bien ne m’accorder aucun crédit pour chroniquer Jusqu’aux dents. Le spectacle de Thierry Boulanger, Alyssa Landry et Emanuel Lenormand, se jouait (notamment) hier devant une partie non-négligeable de la musicalocratie gay parisienne. Le nom peut prêter à confusion, donc clarifions : Jusqu’aux dents n’est pas un pamphlet anti-armes, mais une comédie "obstétricale". Le pitch : un compte à rebours en-chanté avant l’accouchement pour trois amies.  Les trois comédiennes interprètent des personnages un rien caricaturales. Il y a la catho, la baba-cool, et la directrice de mode, chacune est identifiée par une couleur, respectivement jaune, bleu et rouge. Des trois, c’est la deuxième, Amanda Fahey, qui a la plus belle voix, une magnifique voix grave de jazz woman. S’il y a quelques longueurs ici ou là, le tout est plutôt bien enlevé, avec, entre autres la chanson Coupable / Non coupable, et ses relents du Cell Block Tango de Chicago. Ceci étant dit, le spectateur gay de base aura du mal à ne pas sentir un peu étranger à tout ça, malgré quelques moments gay-friendly remarqués ("Martinien, enlève les talons aiguilles de Maman !", lors de la scène du choix des prénoms) ou un peu maladroits ("avouer son homosexualité", pleeeeease…). Le même spectateur pourra aussi se demander pourquoi CHAQUE spectacle à connotation hétérosexuelle met toujours un point d’honneur à caser le mot "levrette", le "L Word" hétéro (en alternance avec "vaseline") quelque part. La réponse fuse pourtant, sans appel. Parce que tout simplement ça fait toujours rire une partie de la salle. Je vous laisse deviner quelle partie. On appelle ça un "cultural gap". Essayez donc d’expliquer le concept de "fabuleuse" à un homme à femmes… La conclusion est que la comédie "obstétricale" LGBT reste à écrire. Mais le titre serait sans doute plus compliqué : "Jusqu’aux dents de ma femme-c’est-elle-qui-porte-le-gosse-moi-je-suis-le-parent-social" ou "Jusqu’aux dents de mon amie lesbienne-avec-qui-on-va-partager-la-garde" ou encore "(Coup de boule)-Jusqu’aux dents-de-sarkozy-qui-nous-laissera-pas-adopter-le-bâtard". Que du fun en perspective.