Merrily we roll along
Merrily we roll along est l’un des plus gros flops de la carrière de Stephen Sondheim. Le musical n’a tenu que le temps de 16 représentations. On dit que le compositeur, dévasté par cet échec alors que ses précédentes œuvres avaient reçu un très large succès d’estime et avaient été d’honnêtes succès commerciaux (à l’exception de Follies, mais c’était à cause du coût très élevé de production de la pièce), a pensé très sérieusement à changer de métier. Les raisons de l’échec de Merrily we roll along sont documentées : cast jeune et inexpérimenté, décor pourri, costumes cheap, mise en scène ratée. Dommage, car sur le papier le musical était intéressant. Il s’agit de l’histoire de trois amis d’enfance, deux hommes et une femme, qui se sont progressivement éloignés les uns des autres quand l’un d’entre eux, Frank est devenu un compositeur de musique de film à succès. Tout l’intérêt de cette histoire a priori banale est qu’elle se déroule à rebours. L’action commence en 1980 et remonte progressivement jusqu’aux années 50. Sondheim a un jour dit qu’il n’aimait pas composer des chansons si elles ne s’inséraient pas dans une dynamique dramatique. Ainsi, le final de Merrily, Our Time, pris seul, est une chanson d’espoir : trois jeunes prêts à affronter la vie ensemble et à changer le monde :
«We are the movers, we are the shapers, we are the names in tomorrow’s papers»
Dans la dynamique de l’œuvre, cette chanson arrive en dernier, alors que l’on a vu dès le début les amis devenus des étrangers les uns pour les autres. Dès lors, Our time, devient une chanson poignante.
La musique dénote avec les œuvres précédentes de Sondheim, très marquées musicalement (opérette viennoise pour A little night music ou opéra pour Sweeney Todd) . La tonalité ici est plus «pop», même si je doute que le terme conviendrait au compositeur. Après l’échec sur Broadway de 1981, plusieurs revivals ont été montés. Le CD qui a été enregistré avec l’Original Broadway Cast est, je trouve, relativement inécoutable. Le son est très faible et on a l’impression d’entendre les musiciens et les orchestres à travers un petit tuyau. J’aime beaucoup le revival Off-Broadway de 1994, qui sonne beaucoup comme Rent, de Jonathan Larson, produit sur Broadway 2 ans plus tard. Mes chansons préférées sont Our Time, Old Friends (que Liza reprend régulièrement), Not a day goes by (magnifié par Bernadette Peters dans ses tournées solo) ou la chanson titre.